Tribune de la députée Valérie Boyer sur le site de Valeurs Actuelles


Tribune de la députée Valérie Boyer sur le site de Valeurs Actuelles

  • 21-10-2015 17:46:20   | Arménie  |  

Jeudi 15 octobre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision sur l’affaire Perinçek et de fait a débouté la Suisse qui avait intenté un procès à Dogu Perinçek, homme politique Turc, qui avait affirmé à Lausanne, en 2007, à l’occasion d’un meeting, que le génocide arménien était « un mensonge international » enfreignant alors l’article 261 bis du Code Pénal Suisse qui énonce :

« Sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité »

La CEDH consacre le fait que la négation devient le prolongement du génocide et des crimes contre l’Humanité ! Elle encourage le négationnisme et nie le révisionnisme.

Nous devons mettre un terme définitif à ce mépris de l’Histoire et des victimes de ces crimes !  

Au niveau national, une autre décision de justice est très attendue. En effet, à la demande du négationniste Vincent Reynouard, le Conseil Constitutionnel va devoir se prononcer sur la conformité de la loi réprimant la contestation des crimes contre l’Humanité commis pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Vincent Reynouard, conteste le fait que la loi Gayssot n’incrimine « que » la négation de certains crimes contre l’Humanité. Il faut savoir que la loi Gayssot n’a jamais fait l’objet d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). C’est donc la première fois en vingt-cinq ans que le Conseil Constitutionnel est appelé à se prononcer sur la conformité de cette loi. Dès 2011, j’avais exprimé mon inquiétude à ce sujet

Triste anniversaire en cette année 2015 qui marque à la fois les vingt-cinq ans de la loi Gayssot et les cent ans du génocide des Arméniens. Vingt-cinq ans de lutte contre le négationnisme en France. Cent ans de déni du premier génocide du XXème siècle.

En 1990, le législateur a fait du négationnisme un délit de presse. En adoptant la loi Gayssot, il interdisait ainsi de contester publiquement un ou plusieurs crimes contre l'humanité "tel que définis par le statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945". Conçue à l’origine comme une limite à la liberté d’expression, cette réponse pénale au mal irrationnel qu’est l’antisémitisme s’est cherchée pendant vingt-cinq ans au gré des combats et inquiétudes de toutes parts. D’un côté, les rescapés de la Shoah qui devaient, après avoir vécu l’invivable, encore entendre que leur calvaire n’avait, comble du vice, jamais eu lieu. De l’autre, les historiens et chercheurs - ceux de bonne foi - qui s’inquiétaient d’être trainés en correctionnelle pour avoir exercé leur métier.

En vingt-cinq ans, aucun historien sérieux n’a été empêché, par la loi Gayssot, de conduire ses travaux sur la Shoah. Il s’agissait néanmoins de trouver un juste équilibre entre protection de l’ordre public et garantie des libertés. Une loi protectrice de tous. Pour l’heure, elle n’a apparemment pas convaincu tout le monde.

Pourtant, l’opportunité de réprimer le négationnisme de tous les génocides et crimes contre l’Humanité fait écho à une actualité brûlante, dans le contexte des persécutions contre les Chrétiens d’Orient en Irak et en Syrie notamment, qualifiées par Ban Ki-Moon de crimes contre l’Humanité.

Le 18 octobre 2011, j’avais déjà proposé un texte de loi s'inspirant du droit communautaire sur la lutte contre le racisme et la répression des génocides reconnus par la loi française dont le génocide arménien. Cette proposition de loi avait été adoptée par tous les groupes de l'Assemblée Nationale comme du Sénat le 23 janvier 2012. Malheureusement, elle a fait l’objet d’une censure du Conseil Constitutionnel, au motif que le négationnisme relevait de la liberté d'expression, mettant fin à cette tentative de pénalisation du négationnisme.

Il s'avère nécessaire et urgent de légiférer afin de proposer une nouvelle qualification du négationnisme. Je me suis donc appliquée à travailler à la rédaction d’une version alternative et innovante, fruit de la réflexion que j’ai menée avec d’éminents juristes pénalistes. C'est pourquoi, le 14 octobre 2014 j’ai déposé une proposition de loi visant à réprimer la négation des génocides et des crimes contre l’Humanité du XXème siècle afin que le négationnisme ne soit plus considéré par la loi comme un simple abus de la liberté d’expression mais comme un délit contre l’Humanité. Ceci présente un double avantage : sortir de l'impasse juridique opposée par le Conseil Constitutionnel sur la liberté d'expression et protéger tous les génocides reconnus par notre droit.

C’est donc non pas une loi mémorielle que j’ai proposé, mais un dispositif législatif enrichi, une loi apolitique visant l’intérêt général, qui s’affranchit des considérations partisanes. Ce texte a vocation à l’universalité car il protège tous les génocides reconnus par la loi française et s’inscrit dans le respect des Droits de l’Homme.

A l’heure de la remise en question de la loi Gayssot et du génocide arménien, je souhaite que l’examen de ma proposition de loi intervienne rapidement car elle assurera une assise législative à la Dignité de la Personne Humaine dans notre pays. Le génocide est un crime contre l’humanité, le négationnisme est un délit contre l’humanité !

N’oublions pas que nier l’existence d’un génocide, c’est tuer une seconde fois !

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