Ani Garmiryan : “Rapprocher les écoles de leurs communautés”


Ani Garmiryan : “Rapprocher les écoles de leurs communautés”

  • 22-10-2015 12:28:08   |   |  

Ani Garmiryan rejoint le département des communautés arméniennes en Septembre 2014, comme responsable de la promotion de l’enseignement de l’arménien occidental et des initiatives dans le domaine de l’éducation.  Elle a derrière elle une longue expérience professionnelle dans le domaine de l’éducation comme directrice de l’école Hovnanian à New Jersey et comme directrice et fondatrice de l’Atelier Mgnig à Paris … Actuellement, à la Fondation Gulbenkian, l’une de ses priorités à long terme est le processus d’auto-évaluation des écoles arméniennes où les subventions de la Fondation seront subordonnées aux résultats des initiatives spécifiques axées sur la volonté des écoles de s’auto-évaluer, de réfléchir et d’innover. Ce processus a commencé avec les écoles arméniennes du Liban et il est au point de d’être étendu à d’autres pays comme la France en 2015 et 2016.

Ani Garmiryan a également été la responsable de l’organisation de la conférence internationale intitulée “L’innovation en éducation: les défis de l’enseignement de l’arménien occidental dans le 21e siècle” (co-organisée avec l’Institut national des langues et civilisations orientales dite INALCO) qui a eu lieu le 21 et 22 Septembre 2015 à Paris. Cet événement faisait partie du programme “Les Arméniens en 2115″ du Département des Communautés Arméniennes.

Nor Haratch – Qu’est-ce qui vous a poussé à postuler pour un poste au sein du département des communautés arméniennes?
Ani Garmiryan : Après avoir eu la chance de passer tant d’années au sein du système scolaire, je voulais m’engager dans un nouveau défi positif. Dès que j’ai été informée du plan de programmation de 5 ans, je savais que je pourrais apporter mes connaissances et mon expérience à la réalisation du projet. Il était aussi très excitant de faire partie d’une nouvelle équipe.

NH – Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail actuel?
AG : Je pense que la meilleure partie de mon travail est d’être capable de concevoir un projet et ensuite de le transformer en réalité, de préparer les programmes dès le commencement et qui peuvent avoir un impact stratégique sur les communautés arméniennes. Le fait que je sois soutenu par un Directeur compréhensif m’aide beaucoup. Tout le monde est disposé à écouter mes conseils et mes idées ainsi que de m’aider à les accompagner jusqu’à leur aboutissement. C’est vraiment un travail idéal.

NH - Que ce que vous espérez pouvoir réaliser avec le processus d’auto-évaluation des écoles des communautés arméniennes.
AG : Nous sommes encore tout au début de ce programme, mais le processus d’auto-évaluation des écoles a pour objet de rapprocher les écoles de leurs communautés. Ce projet invite les administrateurs des écoles à travailler avec les enseignants, les étudiants, les parents et les anciens élèves, leur permettant d’identifier leurs besoins et d’évaluer leurs atouts et leurs faiblesses. Dans un deuxième temps, les écoles pourront réfléchir à identifier leurs besoins pour s’améliorer et pour créer des projets constructifs qu’elles pourront partager avec d’autres établissements scolaires. C’est un renforcement du travail en équipe. J’espère que cette initiative permettra la création d’un cadre favorable et d’une culture de la confiance où les écoles peuvent partager leurs expériences et surmonter leurs faiblesses ensemble au lieu d’être condamnées à l’isolement. Etant donné que l’une de nos priorités est le développement de l’arménien occidental, je suis également ravie de constater comment les écoles trouvent des solutions avec l’aide des enseignants, des élèves et des parents d’élèves, à moderniser l’enseignement de l’arménien occidental. Nous avons commencé par la création de trois groupes de travail, au Liban, en Turquie et en France, qui comprennent chacun de 7 à 8 experts locaux, et en parallèle nous avons deux consultants internationaux communs aux trois groupes de travail. Notre objectif à long terme est de voir cette initiative évoluer vers un système d’accréditation.

NH - Quel est le rôle de ces différents groupes de travail ?
AG : La création des groupes de travail a été recommandée dans le rapport du Dr Hourig Attarian intitulé “Ecoles et Education au Liban”, commandé par notre Département et publié au mois de mars 2014. Suite à ce rapport, j’ai invité toutes les écoles arméniennes à participer à ce processus d’auto-évaluation. C’est ainsi que les groupes de travail sont devenus un moyen formidable pour créer une liaison entre les différentes écoles de chaque communauté. Le groupe de travail de l’éducation arménienne de la Fondation Calouste Gulbenkian du Liban a largement contribué, par exemple, à la préparation du questionnaire d’auto-évaluation. D’autre part, les membres des trois groupes de travail ont manifesté un dynamisme et une motivation exemplaire et se sont engagés immédiatement à collaborer avec les écoles. J’espère que ces groupes de travail continueront à être un précieux assentiment de notre future coopération avec les écoles et les communautés arméniennes.

NH - Sentez-vous que les écoles arméniennes ont réagi positivement au processus d’auto-évaluation des écoles des communautés arméniennes ?
AG : Les premières réactions étaient majoritairement positives ! Les écoles du Liban ont participé et ont donné de leur mieux pour compléter le questionnaire et pour rendre le formulaire d’évaluation à temps. Je suis heureuse  de voir que certaines écoles ont même commencé à développer une nouvelle approche critique par rapport à leurs besoins et que les directeurs des établissements scolaires ont commencé à collaborer plus activement avec leurs élèves, parents d’élèves et enseignants, ainsi qu’avec les membres des groupes de  travail.

NH – De quelle façon le processus d’auto-évaluation des établissement scolaires sera bénéfique aux élèves ?
AG : Toute action qui améliore le système d’éducation est au bénéfice des élèves. En conséquence, une réforme scolaire doit toujours être centrée sur les élèves. Au moment où les écoles réfléchissent à ce qu’elles peuvent améliorer, je suis certaine que cette démarche permettra le développement des projets qui continueront à motiver les élèves et à les inciter à s’engager dans des activités innovantes. Dans les questionnaires d’auto-évaluation, nous avons demandé quels étaient les apports directs des étudiants, des parents, des enseignants, des administrateurs et des anciens élèves, pour obtenir une juste évaluation de ce qu’il doit être modifié et développé et au sujet de ce qui fonctionne déjà.

NH - Quels sont les plus grands défis de votre action ?
AG : Je pense que le plus grand défi est d’être capable d’être constamment sensible à tous types de préoccupations et opinions. C’est important de respecter les différents individus et les différentes communautés. En même temps, j’essaie d’être au courant de tout ce qui se passe dans le secteur éducatif et de regarder les communautés arméniennes avec une perspective intérieure et extérieure. D’un côté il est difficile de maintenir tout le monde ensemble en les engageant à travailler ensemble, mais de l’autre côté, c’est vraiment stimulant d’être   dans cette situation et de pouvoir coopérer avec tant d’opinions.

NH - Pourquoi pensez-vous qu’il était si important pour le Département des communautés arméniennes de co-organiser une conférence internationale sur l’éducation ?
AG : Je pense que nous sommes bien placés pour prendre de telles initiatives. Cette conférence était une grande occasion pour nous auto-évaluer et renforcer nos initiatives innovantes. Nous jouissons d’une position privilégiée pour unir les communautés dans un libre forum afin de partager leurs connaissances et de comparer leurs expériences. Travaillant en collaboration avec Anaïd Donabedian de l’INALCO, le but du programme de notre conférence a été fixé pour apporter un nouveau regard et encourager par une perspective positive la question de   l’enseignement et l’apprentissage de l’arménien occidental en Diaspora. Pour moi ce qui est très important, c’est notre approche pour regarder l’avenir d’une manière constructive.

NH - Pourquoi avez vous intitulé votre colloque “l’Innovation dans l’Education : Les défis de l’enseignement de l’arménien occidental au XXIe siècle” ?
AG : Pour mettre en valeur les atouts et les handicaps. Vous pouvez choisir une position passive ou pessimiste à propos de l’état actuel de la langue arménienne occidentale. En revanche, vous pouvez élaborer une perspective positive en se basant sur des études de cas précis et apprendre comment améliorer le système et le processus éducatif. Nous avons voulu concentrer notre thème sur l’innovation pour trouver de nouvelles méthodes et de nouveaux projets nous permettant de surmonter ces défis. Ce titre fait référence au concept d’aller de l’avant et de réfléchir sur ce que nous pouvons faire de mieux et en quoi nous devrions faire mieux.

NH - Le colloque “L’innovation dans l’éducation” s’est déroulé en trois langues (arménien, français et anglais). En quoi était-il important d’organiser un colloque multilingue ?
AG : Nous avons voulu inclure tout le monde dans la discussion. Le fait que ce colloque soit multilingue reflète la situation de la Diaspora, car aujourd’hui les Arméniens de la Diaspora sont confrontés à la réalité d’apprendre et de parler plusieurs langues.

NH – Quels sont les résultats positifs de ce colloque  ?
AG : Pendant deux jours intenses de conférence, nous avons abordé plusieurs questions, préoccupations et défis et je voudrais à ce stade, souligner trois points :
a) Les participants ont eu de la chance d’être ensemble, de manifester un regard positif et d’avoir une ouverture pour apprendre de l’autre
b) Cette conférence a réuni des enseignants et des universitaires, qui est un phénomène rare. Je considère cette interaction très bénéfique.
c) Nous avons eu parmi nous une génération de jeunes adultes, enseignants et universitaires qui ont eu une récente expérience dans l’éducation, en appliquant justement des méthodes innovantes d’enseignement. Ce colloque était donc une chance pour eux de partager leurs premières expériences.

NH - Quelle est votre prochaine aventure ?
AG : J’ai beaucoup d’autres  d’idées et de projets  … Mais l’étape suivante serait de continuer ce qui a été discuté pendant le colloque “Innovation dans l’éducation” en faisant travailler ensemble enseignants et universitaires pendant une semaine, afin de préparer des projets concrets à mettre en oeuvre.

Interview réalisée dans le cadre “Apprenez à connaître les membres de l’équipe du Département des Communautés arméniennes”

Source: Nor Haratch

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