Le Département d'État américain éreinte la Turquie dans son rapport annuel sur la liberté de religion․Harut Sassounian


Le Département d'État américain éreinte la Turquie dans son rapport annuel sur la liberté de religion․Harut Sassounian

  • 03-07-2018 12:10:27   | USA  |  Articles et analyses

Le Département d'État américain vient de publier son rapport 2017 [NDLR : concernant l’année 2017] sur la liberté religieuse internationale dans environ 200 pays, y compris la Turquie, l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Cette semaine nous allons nous concentrer sur la section Turquie. 
 
D'une manière générale, tous les groupes religieux qui ne sont pas musulmans sunnites souffrent de discrimination et de persécution en Turquie. Les alévis, qui représentent plus du quart des 81 millions d'habitants de la Turquie, sont considérés par l'État comme des « musulmans hétérodoxes », dont les lieux de culte ne sont pas reconnus. Des articles antisémites calomniant les juifs sont fréquemment publiés dans les journaux turcs. Le président Erdogan provoque constamment l'opinion publique avec sa rhétorique anti-Israël. 
 
Le Département d'État rapporte que « les minorités religieuses ont dit qu'elles continuaient à avoir des difficultés à obtenir des exemptions pour les cours obligatoires de religion [islamique] dans les écoles publiques, à maintenir ou à ouvrir des lieux de culte, et dans les conflits concernant les propriétés et les terres. Le gouvernement a restreint les initiatives des groupes religieux minoritaires pour former leur clergé... et les cours de religion [islamique] ont une durée hebdomadaire de deux heures pour les élèves du CM1 à la terminale. Seuls les étudiants qui indiquent ‘chrétien’ ou ‘juif’ sur leur carte d'identité, peuvent demander à être exemptés des classes de religion. Les athées, les agnostiques, les alévis et tous les autres musulmans non sunnites, les bahá’ís, les yézidis et ceux qui n'ont pas rempli la ligne ‘religion’ ne peuvent être exemptés. » 
 
Environ 90 000 membres de l'Église arménienne apostolique vivent en Turquie : 60 000 d'entre eux sont des citoyens de Turquie et 30 000 sont des migrants venant d'Arménie, sans résidence légale. Le rapport américain mentionne que « les enfants des migrants arméniens sans papiers et les réfugiés arméniens de Syrie » pourraient aller à l'école. « Mais étant donné que le gouvernement classifie juridiquement les enfants des migrants et des réfugiés de ‘visiteurs’, ils ne sont donc pas autorisés à obtenir un diplôme de ces écoles. » 
 
Le gouvernement turc, comme l'exige le Traité de Lausanne de 1923, accorde un statut spécial aux « minorités non musulmanes » (chrétiens arméniens apostoliques, juifs, chrétiens grecs orthodoxes). Toutefois, selon le rapport américain sur la religion, le gouvernement ne reconnaît pas « en tant qu'entités légales, les structures administratives ou de direction des minorités non musulmanes, telles que les patriarcats et le grand rabbinat, les empêchant d'acheter ou de détenir des titres de propriété ou d'intenter des poursuites en justice. Ces trois groupes, ainsi que d'autres minorités religieuses, doivent compter sur les fondations indépendantes qu'ils avaient précédemment créées, avec des conseils dirigeants distincts, pour continuer à détenir et contrôler les propriétés religieuses individuelles. Les fondations ne sont pas habilitées à organiser des élections pour renouveler les membres de leur conseil d'administration, car le gouvernement, malgré ses promesses, n'a toujours pas promulgué de nouvelles lois pour remplacer celles abrogées en 2013 qui auraient autorisé l'élection de nouveaux membres au sein des conseils d'administration. » 
 
Toutefois, « le patriarcat apostolique arménien et le patriarcat œcuménique grec ont continué à essayer d'obtenir leur reconnaissance légale, et leurs communautés opèrent comme des conglomérats de fondations religieuses individuelles. Puisque les patriarcats ne sont pas des entités juridiques, les fondations associées, contrôlées par des conseils individuels, détiennent tous les biens des communautés religieuses, et les patriarcats n'ont pas l'autorité juridique pour utiliser directement leurs actifs ou diriger leur communauté », indique le rapport. 
 
Le gouvernement turc fait également obstruction à l'élection du nouveau patriarche de l'Église arménienne en Turquie, qui doit succéder au patriarche actuel, inapte à remplir sa fonction. Le rapport américain a déclaré « qu'en mars 2017, le bureau du gouverneur d'Istanbul a suspendu la décision de l'Assemblée spirituelle du patriarcat arménien d'élire un administrateur, pour entamer le processus d’élection d’un nouveau patriarche. Le patriarche déficient, Mesrob II, est toujours dans l'incapacité d'assumer ses fonctions pour des raisons médicales, et un patriarche remplaçant occupe sa place. Certains membres de la communauté ont critiqué l’avis gouvernemental comme étant une ingérence dans les affaires internes de l'Église. Des sources patriarcales ont dit que le gouvernement avait ensuite reconnu l'élection de mars visant à élire un administrateur. Au mois de juillet, l’administrateur élu avait demandé au gouvernement de pouvoir tenir des élections patriarcales en décembre. Mais la communauté n'avait toujours pas reçu de réponse du gouvernement à la fin de l'année sur la manière de procéder à l'élection. » 
 
Selon le rapport américain, « les communautés religieuses ont continué à lutter contre la décision du gouvernement de les exproprier en 2016 de leurs propriétés endommagées lors des conflits entre les forces de sécurité gouvernementales et le groupe terroriste du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le gouvernement les a expropriées pour un prétendu objectif de ‘reconstruction post-conflit’. Mais à la fin de l'année, le gouvernement n'avait pas restitué les propriétés ou achevé les réparations des propriétés, y compris le quartier historique de Sur dans la province de Diyarbakir, la mosquée Kursunlu, la mosquée Hasirli, l'église arménienne Saint-Guiragos, l'église chaldéenne Mar Petyun, l'église protestante syriaque et l'église arménienne catholique. En avril, le Conseil d'État, la plus haute cour administrative, a émis une décision temporaire de suspendre l'expropriation de l'église arménienne Saint-Guiragos. » 
 
Depuis 2011, les fondations arméniennes et celles des autres minorités religieuses ont soumis 1°000 demandes de restitutions de leurs biens confisqués il y a des décennies. Le gouvernement a restitué 333 propriétés seulement, et a versé des dédommagements pour 21 autres. 
 
Le rapport américain a indiqué également que « plusieurs groupes se disant islamistes ont continué à menacer et à vandaliser des lieux de cultes chrétiens. En septembre, un groupe non identifié a jeté des pierres sur l'église arménienne Saint-Tathéos, dans le quartier de Narlikapi à Istanbul, et a cassé des vitres. Des témoins ont dit que les agresseurs ont crié des slogans anti-arméniens alors qu'un baptême se déroulait à l'intérieur. En septembre, le président de la Fondation arménienne de l'église Saint-Guiragos a dit que des malfrats non-identifiés avait vandalisé l'église de Diyarbakir plusieurs fois, malgré un couvre-feu en vigueur dans le quartier. » 
Comme on pouvait s'y attendre, le ministère turc des Affaires étrangères a rejeté le rapport américain sur les violations des droits religieux et l'a qualifié de « répétition de certaines déclarations non fondées. » Cependant, la répétition confirme qu'il n'y a eu aucune amélioration au niveau de la protection des droits religieux des minorités. Le gouvernement turc a continué à ignorer complètement les droits des minorités religieuses arménienne, assyrienne, grecque, mais aussi juive et alévie. 
 
Le fait que les chefs religieux des communautés juive, arménienne apostolique, arménienne catholique et syriaque se sont sentis obligés de publier des félicitations dimanche dernier pour la réélection d'Erdogan, le tyran turc, est un signe que la terreur règne en Turquie sous la présidence d’Erdogan ! 
 
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
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