De : Harut Sassounian. Le mot correct est Génocide, le but ultime est la Justice !


De : Harut Sassounian. Le mot correct est Génocide, le but ultime est la Justice !

  • 20-02-2013 01:00:59   | USA  |  Articles et analyses

 

De : Harut Sassounian 
Éditeur de : The California Courier 
Éditorial de Sassounian du 14 février 2013 
 
Les commentaires du président Serge Sarkissian ont généré une grande controverse la semaine dernière. Il aurait dit, lors d’une étape de campagne à Erevan le 5 février, que les mots ‘tseghasbanoutioun’ (génocide) et ‘yeghern’ (atrocité) sont des synonymes. Il a affirmé que le président Obama, sans avoir prononcé le mot ‘génocide,’ avait « tout » dit. Le chef d’État arménien faisait référence à l’utilisation par le président Obama du terme Medz Yeghern (grande atrocité) au lieu de ‘génocide arménien’, lors de sa déclaration annuelle commémorative du 24 avril. 
Les mots Yeghern ou Medz Yeghern étaient utilisés par les Arméniens essentiellement avant que Raphael Lemkin n’invente le terme de génocide en 1943, pour décrire les grands massacres organisés des Arméniens, pendant la période 1915-23. Avant 1943, les Arméniens employaient diverses expressions pour parler de ces tueries, telles que ‘tchart’ (massacre), medz vodjir (grand crime), ‘aghed’ (désastre), ‘deghahanoutioun’ (déportation) et ‘aksor’ (exil). Toutefois, pas un de ces mot ne possède la connotation juridique du tseghasbanoutioun ou génocide, au regard le droit international. 
Depuis 1943, les Arméniens ont passé beaucoup de temps et fait de vastes efforts pour convaincre le monde qu’ils ont été victimes d’un génocide et qu’ils demandent désormais justice à la Turquie, selon le droit international. C’est la raison fondamentale pour laquelle les Arméniens demandent la reconnaissance du génocide, et non celle des massacres, des atrocités ou des déportations ! 
La seule raison pour laquelle le président Obama a utilisé le terme Medz Yeghern lors de ses déclarations annuelles était pour éviter de prononcer les mots génocide arménien, afin de se plier aux pressions turques. Si Medz Yeghern et génocide ont le même sens, pourquoi le président Obama n’utilise-t-il pas le mot génocide au lieu de Medz Yeghern ? Après tout, le candidat présidentiel Obama n’a pas promis aux électeurs arméniens-américains de reconnaître le Medz Yeghern ; il a promis de reconnaître le génocide arménien. 
Par conséquent, tous ceux qui allèguent que Medz Yeghern et génocide sont des synonymes sont tout simplement en train de donner une carte blanche au président Obama lui permettant de ne pas tenir sa promesse solennelle. Ils sapent également plusieurs décennies d’efforts intenses de lobbying en faveur de la reconnaissance du génocide arménien ! 
Ceux qui prétendent qu’il y a une équivalence entre Medz Yeghern et génocide ne le font pas par ignorance de la terminologie arménienne. Ils savent parfaitement que les deux mots n’ont pas le même sens. Leur véritable raison est de crier victoire en faisant croire au gens que le Président des États-Unis a finalement reconnu la véracité du génocide arménien. 
Cette approche comporte plusieurs erreurs. Premièrement, indépendamment de ce que Medz Yeghern signifie pour les Arméniens, c’est un terme dénué de sens pour ceux qui ne parlent pas l’arménien. Deuxièmement, mettre sur un pied d’égalité Medz Yeghern et génocide dans le but de revendiquer un succès pour la reconnaissance du génocide est un exercice futile. Il est tout à fait inutile de jouer sur le sens des mots du président Obama. Les États-Unis d’Amérique ont reconnu le génocide arménien déjà en 1951, lorsque le gouvernement américain a soumis un document official à la Cour internationale de justice (Cour mondiale), reconnaissant le génocide juif et le génocide arménien, comme exemple de génocide. Un autre président américain, Ronald Reagan, a émis une Proclamation présidentielle le 22 avril 1981, dans laquelle il mentionnait le génocide arménien. En outre, la Chambre des Représentants a reconnu le génocide arménien en adoptant deux résolutions en1975 et en 1984. 
Par conséquent, il n’y a pas un besoin urgent de continuer à demander la reconnaissance du génocide arménien en faisant adopter des résolutions répétées au Congrès ou en exigeant que le président Obama prononce les mots génocide arménien. Pas plus qu’il n’est nécessaire de réinterpréter les déclarations du président Obama, et d’affirmer qu’en employant le terme Medz Yeghern il a automatiquement reconnu le génocide arménien. La seule raison pour laquelle le président Obama devrait reconnaître le génocide arménien, serait pour être un homme de parole ! 
À la veille du centenaire du génocide arménien, il est impératif pour les Arméniens et leurs partisans de concentrer leurs efforts non pas pour obtenir la reconnaissance – un fait déjà accompli – mais pour obtenir justice pour les crimes massifs commis contre leurs ancêtres il y a cent ans. 
Au lieu d’exiger que les États-Unis ou même la Turquie reconnaissent le génocide, ce qui n’apporterait aucun bénéfice concret, les Arméniens devraient catalyser leurs énergies pour des actions bien plus significatrices, telles qu’intenter des procès au gouvernement turc auprès de cours nationales et internationales. 
Une fois que les Arméniens seront rentrés en possession de leurs territoires et de leurs biens en Turquie, par le biais d’actions juridiques ou en raison de développements géopolitiques inattendus, le gouvernement turc pourra continuer à nier le génocide arménien aussi longtemps qu’il le voudra ! 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 14 février 2013 – www.collectifvan.org
 
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