Conspiration de la Turquie et des États-Unis pour la publication des déclarations du 24 avril


Conspiration de la Turquie et des États-Unis pour la publication des déclarations du 24 avril

  • 16-06-2014 14:23:35   | USA  |  Articles et analyses

 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
Éditorial du 12 juin 2014 
www.TheCaliforniaCourier.com 
 
S’il n’est pas surprenant d’apprendre que la Turquie et les États-Unis ont coordonné leurs déclarations officielles sur le génocide arménien, de récentes révélations ont confirmé leurs conspirations honteuses en coulisse. 
 
L’an dernier en Australie, l’ex-ambassadeur américain en Arménie, John Evans, a révélé pour la première fois lors d’un discours, que le Département d’État s’entretenait régulièrement avec l’ambassade turque à Washington à propos du contenu de la déclaration présidentielle annuelle du 24 avril sur le génocide arménien. 
 
Cela montre clairement le degré de collaboration entre la Turquie et les États-Unis sur la question du génocide arménien, et, encore plus affligeant, que les responsables américains se plient à la règle du bâillon, imposée par un régime négationniste. 
 
La collusion turco-américaine sur la question du génocide arménien a été récemment corroborée par Deniz Kahraman dans le journal turc Aydinlik. Il a révélé que les deux gouvernements avaient écrit ensemble la déclaration du Premier ministre Erdogan du 23 avril 2014, dans laquelle il présentait ses condoléances aux Arméniens, aux Turcs et à d’autres ayant péri pour diverses raisons pendant la Première Guerre mondiale, mettant ainsi à un même niveau les morts des soldats turcs et des victimes du génocide arménien. 
 
Fondant ses informations sur des sources diplomatiques non-citées, Kahraman a écrit que la Maison Blanche connaissait parfaitement le contenu de la déclaration d’Erdogan avant sa publication. De fait, le texte du Premier ministre turc a été préparé avec des contributions américaines et finalisé par des responsables des deux pays. Il semblerait que le texte initial ait été préparé par le ministre turc des Affaires étrangères, puis la Maison Blanche y a apporté certaines modifications « sur la base de sensibilités américaines » sur cette question. Le 21 avril, le ministère turc des Affaires étrangères a transmis le texte final au cabinet du Premier ministre Erdogan, qui l’a publié le 23 avril. 
 
Kahraman a également révélé qu’en contrepartie de l’acceptation des modifications américaines dans la déclaration d’Erdogan, Washington avait proposé de bloquer la résolution sur le génocide arménien en attente au Sénat, qui a été adoptée par la Commission des relations étrangères au début du mois d’avril. 
 
Aydinlik a indiqué que le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, suit personnellement depuis l’année dernière les préparations de la diaspora arménienne pour le 100e anniversaire du génocide arménien. La Turquie serait en train d’évaluer les contre-actions à mener, qui incluent de convaincre le gouvernement arménien de redonner vie aux protocoles arméno-turcs tombés en état comateux, et, simultanément, relancer les initiatives de médiation du groupe de Minsk de l’OSCE, en vue de résoudre le conflit du Karabagh (Artsakh) par le biais de la diplomatie publique. 
 
D’après Aydinlik, Ankara prépare aussi un plan pour contrer au mieux les Arméniens qui présentent des revendications à la Turquie par le biais de trois voies distinctes : « juridique, politique et opinion publique. » Kahraman a rapporté qu’un grave clivage politique était apparu en juin dernier entre la Turquie et les États-Unis, quand Washington avait commencé à faire pression sur la Turquie pour qu’elle prenne des mesures plus fermes sur la question du génocide arménien et qu’elle normalise ses relations avec Israël. Pour calmer les USA, le Premier ministre turc a publié une déclaration le 23 avril, la veille du 99e anniversaire du génocide arménien. 
 
Aydinlik indique également que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme en faveur du négationniste turc Dogu Perincek a renforcé le poids d’Ankara dans les milieux internationaux. Cependant, Washington veut que la Turquie soit plus arrangeante sur la question du génocide arménien. C’est pourquoi les responsables turcs et américains ont orchestré la publication de la déclaration publique d’Erdogan du 23 avril, juste avant que le président Obama ne présente la sienne le 24 avril. Sans que l’opinion publique le sache, le Département d’État louait en réalité une déclaration qu’il avait aussi rédigée. 
 
Par conséquent, il n’est pas surprenant que le porte-parole du Département d’État, Jen Psaki, n’ait pas tari d’éloges sur la déclaration d’Erdogan du 23 avril, la décrivant comme une étape positive qui ouvrirait la voie à une amélioration des relations entre l’Arménie et la Turquie. 
 
Si la Turquie et les États-Unis se livrent à un jeu malhonnête consistant à soutenir publiquement leurs déclarations respectives sur le génocide arménien, orchestrées en privé, le ministre des Affaires étrangères Davutoglu a vendu la mèche en annonçant au Parlement que le message du 23 avril d’Erdogan faisait partie de la campagne turque pour saper les initiatives arméniennes de commémoration du centenaire du génocide. 
 
Pour finir, je souhaite rappeler à tous ceux qui affirmaient à tort que le message d’Erdogan le 23 avril était une annonce sans précédent de la part d’un dirigeant turc, qu’il y a presque 90 ans, le 22 juin 1926, le président Kemal Atatürk avait fait une déclaration très claire lors d’une interview avec le Los Angeles Examiner: « Ces restes du parti Jeune-Turc auraient dû être tenus pour responsables des vies de millions de nos sujets chrétiens qui ont été impitoyablement chassés en masse de chez eux et massacrés… » 
 
 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 12 juin 2014 – www.collectifvan.org
 
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